jeudi 9 février 2012

9 février 1982-9février 2012 C'est déjà 30 ans depuis que le Père Antonio Barbero quittait cette terre de vivant

P. Antonio Barbero, IMC


Naissance et vocation


Pietro Barbero et sa femme, Maria Pelissero, ont eu six enfants entre 1926 et 1946. Antonio Barbero, le deuxième, est né le 11 février 1928 à Marene, dans le nord-ouest de l’Italie. Trois de leurs enfants deviendront missionnaires de la Consolata : Antonio, Mario et Tommasino. Antonio a souvent raconté sa vocation missionnaire. Il voulait devenir prêtre et étudiait au petit séminaire de son diocèse. Un jour, alors qu’il est en prière dans la chapelle, il entend une voix qui lui dit : « Mais pourquoi ne te fais-tu pas missionnaire? » À quelqu’un qui lui demandera : mais cette voix, l’avez-vous vraiment entendu, voici ce qu’il répondra : « Oui, pour moi cette voix fut déterminante et je ne l’ai jamais oubliée. Certainement, les motivations ont mûri avec les années, avec la connaissance des missions et tant d’autres choses.
Mais, je le confesse, cette voix m’a donné la ferveur dans les premières années et elle m’aide, aujourd’hui, à persévérer. » La voix l’invitait à devenir missionnaire, mais il ne savait même pas ce que c’était que d’être missionnaire. Comme Antonio n’a jamais aimé les études, il va d’abord demander si on peut être missionnaire sans étudier! Il en parle aussi à son grand-père qui lui répond : « Si tu veux devenir missionnaire seulement pour travailler, alors reste à la ferme, ici le travail ne manque pas. » Après avoir vaincu les hésitations d’Antonio, son grand-père le conduit, en septembre 1941, au petit séminaire des Missionnaires de la Consolata à Varallo. Il suivra le cheminement normal : après le petit séminaire à Varallo, la philosophie à Cereseto Monferrato, le noviciat à la Chartreuse de Pesio et enfin la théologie au grand séminaire de Turin. Dans deux rapports de ses formateurs, on trouve déjà bien esquissées sa personnalité et sa spiritualité : son directeur de collège le décrit comme ayant une solide piété, un amour du service divin et un désir de se sacrifier pour les autres; son maître des novices le présente ainsi : « C’est un bon type : calme, serein et jovial. » Le 2 octobre 1950, il prononce les vœux et il est ordonné prêtre le 20 juin 1954. 

le don de soi


En 1945, il n’a que 17 ans. Son désir de devenir missionnaire prend une tournure de plus en plus spirituelle et devient une volonté de se donner totalement au Seigneur. Le 3 octobre 1945, avec la permission de son directeur spirituel, il émet un vœu spécial « de disponibilité au Seigneur ». L’année suivante, il approfondit cet esprit de dévouement et, dans son journal intime, il écrit : « Je veux apprendre à toujours vivre en action de grâce à Dieu et en répandant cette attitude chez toutes les personnes autour de moi. Je veux être optimiste, je veux m’exercer dans la patience envers les autres. Je veux être pur. Je veux acquérir l’humilité d’esprit et de coeur, de parole et de geste. Je veux être un missionnaire plein de volonté mais sans dureté, je veux défier tous les obstacles et être généreux. En tous sans distinction, je veux voir le Seigneur Jésus. » À 20 ans, lors de sa retraite annuelle, il se choisit une devise : « Donner et se donner! » Dans son journal, il commente sa nouvelle devise : « Oui, le bonheur le plus grand et la joie la plus pure que l’on puisse avoir, c’est de donner et de se donner : à Dieu et à nos frères. Si à vingt ans je ne suis pas généreux, quand est-ce que je le serai? Je veux que chacune de mes actions soit toujours marquée de l’amour de Dieu! » Quelques jours avant son ordination, il écrit une lettre à sa mère : « Turin, le 8 septembre 1952 Très chère maman, C’est le jour de ta patronne, puisque ton nom est Marie! Un coeur de fils a des palpitations particulières pour sa mère, surtout s’il est loin. Je voudrais dire tellement de choses à ton coeur, mais tu en auras l’intuition, tu es la mère d’un missionnaire qui bientôt sera prêtre. Essayer de dire quelque chose, c’est comme rompre un charme. » La veille de son ordination comme prêtre, sa prière s’adresse à Marie : « Maman Marie[…], bientôt je me consacrerai au culte de ton enfant […] Merci, mère, de m’avoir conduit à l’autel. Fais-moi mourir plutôt que de manquer aux engagements de mon sacerdoce. » 


de Benevagienna au Canada


Sa première mission, le père Antonio Barbero la reçoit en Italie : il sera assistant auprès des jeunes du petit séminaire de Benevagienna. Il y arrive le 9 septembre 1954. Il y enseigne l’italien, les mathématiques, l’histoire, la géographie, mais surtout le chant! Il aime le chant, il organise une chorale et même un petit orchestre. Il y oeuvre pendant sept ans. Un jour, il a même la joie d’accueillir son propre frère Tommasino qui, lui aussi, veut devenir prêtre et missionnaire. Il a hâte de partir pour les missions. En 1960, dans un pèlerinage au sanctuaire de Varallo, il demande « la grâce de la persévérance ». Quelques mois plus tard, la décision des supérieurs lui parvient : il ira au Canada. Après la deuxième guerre mondiale, à la fin de 1946, les Missionnaires de la Consolata sont arrivés aux États-Unis et, au début de 1947, au Canada pour recruter des vocations et trouver des fonds pour leur apostolat missionnaire. Ils se sont installés au Québec, où ils s’occupent de pastorale auprès des immigrants italiens et d’animation missionnaire et vocationnelle. Ils ont donc besoin de jeunes prêtres pour s’occuper de la pastorale de la jeunesse. Le 20 septembre 1961, le père Barbero débarque à Halifax du bateau Augustus et, dès le lendemain, monte dans un Viscount qui le conduit en quelques heures à Montréal. Les pères Pietro Mongiano, supérieur, et Wolmer Azzolini l’attendent à sa descente d’avion. On l’envoie d’abord parfaire son inculturation avec des cours de pastorale et de langues, le français et l’anglais, à l’université Saint-Paul d’Ottawa. Finalement en mai 1962, il assume la responsabilité de vicaire à la paroisse Notre-Dame-de-la-Consolata à Montréal, spécialement en charge du groupe des jeunes de l’Action Catholique. Un confrère, le père Jean Gaudissard, a témoigné de cette période du père Barbero au Canada : « Toujours joyeux, toujours disponible, le père Antonio Barbero semblait ne pas avoir d’autre chose à faire que de s’occuper de nous. Il devint notre grand ami; avec lui on parlait de nos problèmes. Comme il dirigeait des classes de français et d’anglais, beaucoup d’Italiens ont plus facilement trouvé du travail avec le minimum indispensable de connaissance de la langue[…] Il fut animateur du chant, du théâtre et des promenades et, sans que nous nous en rendions compte, il nous inculquait les principes de la foi authentique et profonde qui le caractérisait. Avec nous, il formait des hommes capables de faire face à la vie dans des conditions souvent difficiles. Il nous transmettait le témoignage d’un sacerdoce vécu en toute joie. Sa mémoire reste une bénédiction partout chez les Italiens… » père spirituel au grand séminaire de Turin, puis à Castello di Brianza Personnellement, comme séminariste canadien, j’avais été envoyé pour faire mon noviciat à Bedizzole, près de Brescia, et mes quatre années de théologie au séminaire international que les Missionnaires de la Consolata avaient à Turin. C’est là que j’apprends une grande nouvelle : à la fin de 1965, le père Antonio Barbero est nommé directeur spirituel au grand séminaire de Turin. Deux ou trois fois, je l’avais rencontré au Canada et j’étais très heureux de sa nomination : enfin quelqu’un ayant oeuvré au Canada viendrait aider en Italie! Cette joie deviendra encore plus intense pendant les trois années où il fut mon directeur spirituel. Toujours disponible, toujours souriant et compréhensif, Antonio devint pour moi un vrai père. Dans mon cheminement vers le presbytérat et la mission, par ses conseils pleins d’humanité et de simplicité, il me permit, à moi et à combien d’autres, d’avancer vers notre idéal missionnaire, dans ces années mêmes, la fin des années soixante, où toute formation devenait discutée et contestée… et j’étais parmi ces contestataires! En 1968, il reçoit une nouvelle obé- dience, mais ce n’est pas encore pour « la vraie mission »! Il va oeuvrer au petit séminaire de Castello di Brianza comme vice-recteur. De cette période aussi, nous possédons le témoignage d’un ancien élève du père Barbero, Roberto Rocca, qui écrit : « Le père Antonio Barbero a été mon directeur et mon éducateur durant mon secondaire. Je me souviens de lui comme d’un père humble, simple, généreux et vraiment humain. Il savait aller au fond de nos problèmes de jeunes. Infatigable pour donner des conseils au moment opportun, il nous éduquait surtout par son exemple de prière, d’amour et de délicatesse dans son approche. Dans ses homélies, il parlait souvent des personnes qui souffraient, des handicapés et des moribonds; il nous stimulait à être attentifs à nos frères dans le besoin. Il avait un charisme particulier pour comprendre ceux qui souffraient. Tous ceux qui l’ont connu ne peuvent que s’en souvenir et essayer d’en imiter les vertus d’abnégation et de service. Sa vie a été dépensée pour nous et pour la Mission, dans la foi, ce qui suscite chez nous de l’estime envers lui et tous les autres, prêtres, soeurs et laïques qui annoncent l’Évangile par leur vie. » 


vers le Zaïre


Le 5 novembre 1972, avant de partir pour sa nouvelle mission, le père Antonio Barbero visite le village de San Lorenzo où s’est établie sa famille. Cette fois-ci, il part pour une « vraie » mission, dans tous les sens du mot : il doit aller ouvrir des missions IMC dans un nouveau pays, la République démocratique du Congo, alors appelé le Zaïre. Il faut lire entre les lignes de son journal pour vraiment saisir les émotions de cette journée-là : « Vers 15 h 30, je quitte la maison abandonnée au milieu des champs. J’ai essayé de ne pas dramatiser, mais les dernières salutations à mes parents très âgés ont été très dures. Mais je savais et je constatais combien ils étaient pleins de foi et de sérénité. » Comme c’est de Rome qu’il s’envolera vers l’Afrique centrale, il se rend dans la capitale d’Italie. Là, il participe à une audience du pape Paul VI; une merveilleuse photo montre l’évêque de Rome souriant, face à face au missionnaire à la belle barbe foncée! Il y rencontre aussi l’évêque de Dungu-Doruma, monseigneur T. Van Den Elzen. C’est en effet dans ce diocèse du Haut-Zaïre, près de la frontière du Soudan, que le père Antonio ira travailler. Le 8 novembre, il arrive à Kinshasa, la capitale du Zaïre. Le père Noé Cereda l’attend à l’aéroport. En effet Antonio n’est pas le premier missionnaire de la Consolata dans cette ancienne colonie belge. Après des études en criminologie à l’université de Louvain (Belgique), le père Noé Cereda avait en effet été appelé à enseigner à l’université Lovanium de Kinshasa, affiliée à l’université belge! Finalement, après quinze années chez les IMC, Antonio est en sol africain, cette Afrique dont son coeur missionnaire a toujours rêvé. Dans son journal, il écrit : « Je désire passer beaucoup d’années au service de ces frères! J’espère qu’elles seront fécondes pour les Zaïrois et une bénédiction pour moi. » Le 12 novembre, il écrit à ses parents : « Finalement je suis en Afrique! J’attends une occasion pour me rendre à Doruma, ma destination, dans le Haut-Zaïre! Mes premières impressions? Bonnes. Partout les gens m’accueillent avec joie. Je m’engagerai fortement à étudier et comprendre leur langage, mais je pense que les Africains, s’ils voient que nous allons vers eux à coeur ouvert, se prennent d’affection tout de suite. Je pense que je n’aurai aucune difficulté à vivre avec eux. » Cinq jours plus tard, un avion Fokker le transporte à Kisangani, la capitale de la province du Haut-Zaïre. Là, entre autres, il visite une missionnaire combonienne originaire de sa région natale; soeur Maria Ancilla Vico enseigne au petit séminaire. On se demande si cela vaut la peine d’éduquer tous ces jeunes dans un séminaire alors que l’on sait pertinemment que la très grande majorité d’entre eux ne deviendront jamais prêtres. Dans son journal, il note : « Un Zaïrois instruit fera du bien à ses concitoyens. » Antonio n’ignore pas qu’il a été envoyé dans une terre déjà abreuvée du sang de martyrs. Au moment de l’indépendance en 1960 et au cours des guerres civiles et des violences qui s’ensuivirent, nombreux furent les missionnaires, les religieux et les religieuses et les laïques à être tués. À Kisangani, Antonio va visiter l’endroit où 26 missionnaires furent massacrés et, trois jours plus tard, en passant par la ville de Wamba, il s’arrête là où 15 autres furent tués. Est-ce là que, pour a première fois, il apprend l’existence d’une martyre zaïroise, soeur Anuarite Nengapeta, assassinée le 1er décembre 1964 par des rebelles parce qu’elle avait refusé de violer son voeu de chasteté? Dans un rapport à la revue IMC de Turin, il en parle. À Wamba, c’est l’évêque qui l’accueille. Monseigneur Gustave Olombe est plein de reconnaissance à la bonne nouvelle que lui apporte le père Antonio : en effet, trois missionnaires de la Consolata devraient venir oeuvrer dans son diocèse. Quand à lui, Antonio, il continue son périple encore plus au nord. Il se rend compte que Isiro est la ville centrale de cette région; là, plusieurs communautés missionnaires ont établi leurs principales maisons, les Missionnaires Comboniens y ont même érigé leur maison provinciale. Ce n’est pas encore son lieu d’arrivée, même si suinte vent il y reviendra pour les approvisionnements, et un jour pour s’y installer! 


Doruma : 1972-1976


J’ai moi-même été envoyé missionnaire au Zaïre en 1975. Quelques semaines après mon arrivée, je suis allé visiter mes confrères à Doruma; il m’est donc facile d’imaginer les sentiments du père Antonio Barbero à son arrivée. Doruma est au bout du monde : il faut d’abord se rendre en avion à Kisangani, puis encore à Isiro, ce qui n’est pas toujours une opération simple : j’ai déjà été bloqué aussi bien à Kisangani parce qu’il n’y avait pas de vol qu’à Isiro parce qu’il n’y avait aucun transport disponible. Mais, parvenu à Isiro, on est encore loin du point d’arrivée : de là, il y a encore 300 kilomètres, une bonne journée de route cahoteuse et pleine d’imprévus : des arbres tombés au milieu du chemin par les vents d’un violent orage, un pont de troncs qui a cédé, une boue d’argile où les roues glissent comme sur la glace et s’embourbent jusqu’aux essieux… Aller à Doruma, c’est vraiment parvenir au bout du monde, à un bout du monde, car c’est là que la route finit; quelques kilomètres plus loin, c’est la frontière avec le Soudan, uniquement franchissable à pied par des pistes et des sentiers. Arrivé le 3 décembre 1972, Antonio s’est-il remémoré les paroles de Jésus de Nazareth : « Vous n’avez pas à connaître les temps et les moments que le Père a fixés de sa propre autorité, mais vous allez recevoir une puissance, celle du Saint-Esprit qui viendra sur vous. Vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre » (Actes 1,7-8). J’en suis sûr, Doruma est une de ces extrémités de la terre! « Le frère Fabien, un frère de l’Instruction chrétienne (de Bangadi), doit aller à Doruma et il m’offre de l’accompagner […] Il est 11 heures quand nous y arrivons, c’est vraiment la fin de mon périple. Là, chaque véhicule qui arrive est une attraction! Mais quel n’est pas mon étonnement quand tout de suite je suis entouré de gens qui veulent me connaître, qui me serrent la main et qui me parlent dans une langue que je ne connais pas; mais leurs visages, eux, parlent! » Un professeur adresse un mot de bienvenue au père Antonio qui répond : « Je suis venu ici non pas pour travailler pour vous, mais avec vous, je veux partager votre vie et vos espérances. » Le Père Antonio n’est ni le premier ni le seul missionnaire à Doruma : viennent aussi à sa rencontre cinq soeurs du Bon-Conseil, des missionnaires canadiennes originaires de la région de Chicoutimi, qui s’y occupent du lycée des filles, et trois soeurs Augustines qui travaillent au petit hôpital de Doruma où, pour le moment, il n’y a même pas de médecin! C’est que l’arrivée du nouveau missionnaire a été annoncée par le curé de Doruma, le père Koeun, un Augustin hollandais, avec ses deux vicaires, le père Liber et l’abbé Jef. Doruma n’est pas un lieu perdu dans la brousse, ce fut une ville significative aux temps de la colonie belge; des plantations de coton, de café et de palmes (pour faire de l’huile), en plus des cultures de riz et d’arachides et quelques plantes médicinales comme la rowolfia (contre les arythmies cardiaques), avaient assuré une certaine prospérité à ce centre où vivent surtout des gens du groupe des Azandé. Les Missionnaires Augustins l’avaient donc choisi comme siège de leur diocèse. Ce n’est que plus tard, à la fin des années soixante, que la ville de Dungu, à environ 150 km plus au sud, s’imposera comme la capitale du district, le siège du commissaire sous-régional et de l’évêché catholique; désormais le diocèse sera appelé de Dungu-Doruma. « Je m’attendais à une cabane, mais voilà qu’on me conduit dans une endroit accueillant où je peux même prendre une douche pour me libérer de la sueur et de la poussière rougeâtre de la route. J’étais littéralement couvert de poussière! Le père Koeun et son vicaire, le père Liber, me comblent d’attentions. Mais, à un certain moment, je sens le besoin de m’agenouiller et je fais cette prière : « Seigneur, tu le sais, ma joie est grande d’être enfin arrivé. Saint François Xavier, dont aujourd’hui c’est la fête, avait pris six mois pour arriver dans les Indes, moi, c’est en vingt cinq jours que je suis parvenu à Doruma pour faire ce que Tu voudras. Donne-moi le zèle de saint François et ça me suffira! » Le 4 décembre, ce sont les 800 élèves de l’école primaire qui l’accueillent officiellement; les enfants y ajoutent des danses et des chants. Ensuite, avec le curé, il va saluer le chef de zone et le chef de la gendarmerie, avant de s’arrêter chez les trois commerçants grecs qui approvisionnent Doruma d’à peu près tout. Le 5 décembre, c’est au tour de l’école normale dirigée par les Soeurs du Bon-Conseil. Ce soir-là, en honneur du nouveau missionnaire, grande nouveauté à Doruma : sur les murs de la mission, les gens assistent à la projection d’un film! au coeur de la souffrance Il est un autre lieu que le père Barbero a visité dès son arrivée à Doruma, un de ces lieux inspirés où l’on sent la présence spéciale de Dieu : la léproserie de Bamuzele. Il s’y rend le jour même de son arrivée à Doruma, parce que c’est là, au milieu des lépreux, qu’il a voulu célébrer sa première eucharistie. Bamuzele est à sept kilomètres de Doruma. Là, une laïque missionnaire, Antonina Lo Schiavo, se consacre corps et âme à la mission. C’est elle qui va chercher Antonio et l’amène à la léproserie. Voici ce que Antonio note dans son journal ce soir-là : « Je suis arrivé à Bamuzele à 16 heures et les

lépreux m’ont accueilli par une grande fête. C’est alors que j’ai commencé la plus longue série de poignées de main de toute ma vie, mais doit-on parler de mains? Je n’ai eu aucune hésitation à saisir ces moignons, ces mains à demi rongées par la maladie. Au geste, chaque lépreux ajoutait : « Merci na Nzambe », (Merci au Seigneur qui t’a envoyé ici). Je me suis contenté de sourire et de répondre avec les seuls mots de lingala que j’avais appris : « Mbote mingi », (merci beaucoup)! Nous nous regardions dans les yeux. Je suis entré dans la petite église de boue et de paille; pour y pénétrer il faut se pencher, tant la porte est basse. Là, j’ai célébré sur un pauvre autel de bois dans un mélange de français, de lingala (la langue locale) et d’Azande (la langue du Soudan)[…] Je leur ai confié ma joie de leur donner ma première messe, précisément en la fête de saint François Xavier. Antonina traduisait mes paroles en lingala et un catéchiste en azandé. » C’était certainement une joie authentique qui inondait le coeur du père Antonio. Plusieurs fois, dans son journal, il a écrit : « Pour moi, les malades occupent la première place. » Pour lui, ces paroles ne sont pas vides de sens. Sa vie l’a démontré. Sa mort aussi. 


À Doruma, sa première messe a été célébrée avec les lépreux, comme dix-huit ans avant, juste après son ordination presbytérale, sa première messe de nouveau prêtre l’avait été avec les malades de l’hôpital de Cottolengo, à Turin, au département de Sainte-Élisabeth. En plein coeur de Turin, entre le sanctuaire de Notre-Dame de la Consolata et les institutions d’enseignement de saint Jean Bosco, il y a l’extraordinaire complexe de saint Joseph Cottolengo : c’est un ensemble d’une douzaine de communautés religieuses et d’associations de laïques qui s’occupent de tous les malades et de tous les handicapés qui viennent du Piémont. Là, se trouvent des handicapés physiques et mentaux, ainsi que des personnes souffrant de diverses maladies. Pendant ses études de théologie, le séminariste Antonio y était allé des dizaines de fois. Au même moment, pendant ses études, il travaille à l’infirmerie de la maison mère. On trouve cette déclaration dans son journal : « Chaque être humain a un visage, une histoire. Si cette personne est en plus marquée par la souffrance, on ne fait jamais assez pour elle. » Le père Giuseppe Ronco a vécu avec le père Antonio à Doruma et a pu constater son zèle pour la léproserie de Bamuzele. Il en a témoigné : « Il aimait surtout les lépreux. Il a fait beaucoup pour améliorer les bâtiments et pour le fonctionnement de la léproserie.Antonina Lo Schiavo n’avait pas de meilleur soutien pour son oeuvre de samaritaine. Il comprenait les souffrances des lépreux, leurs douleurs longues et humiliantes. Il voulait tout faire pour que leur existence soit moins pénible. Il restait au milieu d’eux, avec sa pipe allumée, à parler de leur vie, en

essayant de leur donner le bonheur et l’amour de Dieu. Il ne perdait pas d’occasion de parler de l’Évangile de Jésus. » promotion humaine Ces lépreux, peut-être devrais-je écrire ses lépreux, Antonio non seulement les regardait dans les yeux et leur souriait, mais il a aussi beaucoup fait pour eux. Le 25 avril 1976, l’évêque du diocèse, Son Excellence monseigneur Van Den Elzen, est à Doruma : il est venu, non pas d’abord pour les bien-portants, mais pour les lépreux de Bamuzele. Ce jour-là, c’est fête chez eux parce qu’on inaugure leur nouvelle chapelle, un bel édifice de 20 mètres par 10 mètres, aux belles proportions, non plus en boue et en paille, mais en briques avec des tôles sur le toit! Ce n’est pas tout : pour eux le père Antonio a aussi creusé un puits. De plus, à tous les ans, il n’a pas peur de quêter toutes sortes de subsides et d’aides de la part de ses parents, amis et bienfaiteurs, toujours dans le but d’améliorer le sort des lépreux. Un des projets les plus étranges que nous avons financé du Canada, fut la fabrication de chaises roulantes spéciales pour les lépreux de Bamuzele et des environs; sans pieds ni mains, la plupart des lépreux ne pouvaient se déplacer qu’en rampant par terre. Ils étaient nombreux ceux qui pensaient que c’était contraire à un minimum de dignité humaine. Pour cela, on fit construire des chaises roulantes spéciales avec lesquelles, grâce à un ingénieux système de poulies et de pédales, les lépreux pouvaient se déplacer la tête haute!


pastorale missionnaire


Lorsqu’ils y sont arrivés en 1972, les Missionnaires de la Consolata n’étaient pas les premiers à la mission de Doruma; les Missionnaires Augustins y avaient déjà oeuvré depuis des décennies. Le nouveau curé de Doruma, le père Antonio Barbero, ne partait donc pas de rien. Dès le départ, Antonio décida de poursuivre la pastorale de ses prédécesseurs. Dès le départ aussi, ce fut un travail d’équipe; en décembre 1972 arrivèrent les pères Richard Larose et Jean Venturini et le frère Alberto Donizetti, tandis que les pères Giuseppe Ronco et Francesco Giuliani les rejoignirent en septembre de l’année suivante. Très tôt ils se partagèrent les tâches pastorales, sous la coordination générale du père Barbero, curé : le père Giuseppe Ronco s’occupait du catéchuménat, les pères Francesco Giuliani, Jean Venturini et Richard Larose visitaient les principales chapelles et les innombrables centres de brousse, alors qu’avec Antonio, le frère Alberto Donizetti s’occupait de toute la partie matérielle. Dans son journal, le père Barbero note : « On ne reste pas là à regarder en arrière; on regarde le futur avec décision. Il faut être prudent à donner des responsabilités : prêtres, laïcs, frères, soeurs, catéchistes, tous doivent savoir ce qu’ils ont à faire pour travailler ensemble vers un objectif commun. On donne beaucoup d’attention aux communautés de base, pour former des sujets capables de soutenir la famille qui, souvent, abandonne la pratique religieuse. » Graduellement les nouveaux missionnaires donnèrent de plus en plus d’importance au catéchuménat et aux catéchistes. Dans l’immense territoire de la mission qui couvrait presque 10 000 kilomètres carrés, et où habitaient environ 30 000 personnes, dont le tiers catholiques, il y avait des centaines de villages et de minuscules regroupements de quelques familles, si bien qu’il était impossible aux missionnaires de visiter chaque centre plus qu’une ou deux fois par année. C’est pourquoi ils décidèrent de concen-trer leurs efforts sur cinq chapelles principales: Masombo, Gangala, Sekundo, Gurba et Naparka. Là, on célébrait l’Eucharistie pratiquement à toutes les semaines, tout en organisant la pastorale de chaque plus petit centre autour du travail d’un catéchiste et d’un conseil de laïques. Dans chacun de ces cinq centres principaux, l’équipe pastorale construisit une chapelle, un dispensaire et une école. Un des premiers projets d’aide financés par les Missionnaires de la Consolata du Canada fut l’achat d’une jeep pour visiter tous ces centres et les innombrables villages de la mission de Doruma. Mais le plus important était de former tous ces gens. D’où l’importance cruciale de la formation des catéchistes. À tous les ans, on pouvait en envoyer un ou deux au Centre catéchistique de Bangadi, mais les autres devaient recevoir leur formation à Doruma. L’essentiel était que dans chaque centre et village, le groupe de disciples de Jésus forme une authentique petite communauté vivante et profondément chrétienne. On ne les appelait pas des communautés de base, mais leur fonctionnement en était très semblable. Comment rayonnait l’Évangile? D’abord par le on exemple des chrétiennes et des chrétiens dans les centres et dans les chapelles, ensuite par l’oeuvre infatigable des catéchistes, et enfin par le témoignage du missionnaire. Lorsque ce dernier passait dans les villages, ce qui n’arrivait qu’une fois ou deux par année, il rencontrait, un par un et en groupe, tous les catéchumènes à qui le catéchiste avait déjà enseigné les rudiments de la vie chrétienne pendant quelques mois. Lorsque le catéchumène était prêt, normalement dans la période du carême et dans les semaines qui précédaient, il faisait un stage plus intense de formation chrétienne à la mission même de Doruma. Ces stages de catéchuménat étaient ponctués par diverses célébrations liturgiques et se terminaient avec les sacrements de l’initiation chrétienne, le baptême, la confirmation et l’Eucharistie, normalement au cours de la célébration de la nuit de Pâques. Plusieurs centaines de personnes furent ainsi baptisées à tous les ans. C’était finalement une organisation assez complexe à cause de la multitude des centres et des catéchistes, mais, avec tous ses collaborateurs, cette mission fonctionnait bien. Dans les papiers du curé, on a ainsi trouvé ces longues listes de noms de villages et de personnes, chacune avec sa responsabilité. Dans une lettre à ses bienfaiteurs canadiens, le père Larose parle de 117 villages! Un deuxième aspect de la pastorale missionnaire que le père Antonio développa avec ses collaborateurs avait rapport à la liturgie. C’est pendant ces années-là que naquit le rite zaïrois. Tout de suite, l’équipe de Doruma profita de cette ouverture pour permettre à ses chrétiennes et chrétiens de mieux célébrer en tenant compte de leur génie propre : les danses furent introduites dans les célébrations avec d’autres symboles et images du patrimoine des cultures africaines. Dans une lettre qu’il envoie à sa famille le 25 septembre 1975, Antonio écrit : « Le vrai problème, c’est d’élaborer un travail apostolique qui soit adapté à la culture des gens d’ici tout en respectant ce que Dieu a déjà réalisé chez eux… sans nous! » L’année précédente, dans une autre lettre, il avait écrit : « Je pensais qu’en Afrique les problèmes seraient plus faciles, mais, de fait, les distances, la pauvreté de moyens et la rareté du personnel font, avec d’autres raisons, que la vie est plus difficile. Ce qui me réjouit, c’est que les supérieurs nous annoncent de nouveaux renforts! » À Doruma, comme plus tard à Bangadi, le père Antonio fut curé, mais ce ne fut pas un de ces curés qui font tout. Si tant a pu être fait à Doruma, c’est que le travail était accompli en équipe. Le père Antonio coordonnait le travail de tous, il encourageait les efforts des uns et des autres, et souvent, avec son plus grand sourire, il laissait faire, même quand lui-même avait des doutes sur ce qui se faisait! C’est ainsi qu’un catéchiste, Aniabida Pierre Mongo, a résumé l’oeuvre du père Antonio Barbero : « Le père Antonio est un homme bon, toujours souriant à tout le monde, aux hommes, aux femmes et aux enfants. C’était une personne douce, un homme de prière, d’écoute, de dialogue et de travail. Il rayonnait la joie, il renforçait la foi! » Dans son journal, il a ainsi qualifié son expérience pastorale : « Pour nous qui recherchons l’efficacité, il est difficile d’espérer et d’attendre! Cependant, cela fait partie de la formation chrétienne. Attendre = Avent. Les heures de Dieu sont différentes des nôtres. Je continue depuis des années à méditer sur la Bible. Cela m’enseigne à attendre les heures de Dieu. J’ai entre les mains des notes sur saint Jean de la Croix. Je me sens comme un pygmée à coté de lui! Oh, comme les saints sont terriblement saints. » Lors de sa retraite de 1975, sa réflexion porte sur la dimension contemplative de la vie missionnaire. N’est-ce pas un prélude aux années qui viendront? Dans les notes qu’il confie à son journal intime, on peut lire ce qui suit : « Les hommes de la mission doivent être des contemplatifs pour capter la présence de Dieu, déchirer les nuages de la faiblesse opaque et transmettre la parole du Père à leurs frères : “ Celui-ci est mon fils bien-aimé, écoutez-le! “(Mt 17, 5)[…] Je dois être contemplatif, comme le Christ, pour arriver à faire la volonté du Père, comme Lui la faisait. Je dois me laisser réchauffer de la présence de Dieu : contempler pour arriver à être caché avec le Christ en Dieu. Si je ne suis pas une âme contemplative, mon apostolat est vain, je prêche moi-même et non le Christ : le Sauveur. “ Si tu demeures en moi et moi en toi, tu porteras beaucoup de fruit ”, dit le Seigneur. Je veux être rempli et pris par le Seigneur Jésus[…] Seigneur, maintenant, fais-moi aimer la Croix. Je cherche la rencontre avec Dieu, mais, cela je le sais, advient sur la Croix. Je dois m’habituer à vivre la volonté de Dieu, comme Jésus. La confiance en Dieu me portera à rencontrer mes frères dans un amour de tendresse. Seigneur, fais de moi un homme d’espérance, qui va à Ta rencontre avec l’amour de la Croix[…] Me convertir au provisoire, à l’abandon à Dieu! Être disposé à porter la Croix, gloire de Dieu, manifestation de sa puissance et de son amour. Dieu éprouve celui qu’Il aime, je dois m’en souvenir! Seigneur, aide-moi dans l’épreuve! »


Bangadi : 1976- 1978


À mi chemin entre Doruma et Dungu, le nouveau siège de l’évêque, à mi chemin aussi entre Doruma et Isiro, la ville aéroportuaire où l’on peut acheter presque de tout, il y a Bangadi. Et, à Bangadi, il y a quelque chose qui ne peut pas ne pas attirer les Missionnaires de la Consolata : en effet, à Bangadi, les missionnaires augustins ont ouvert une paroisse dédiée à Notre-Dame de la Consolation! N’est-ce pas là un signe du ciel? Néanmoins les débats sont difficiles : en quatre ans la petite communauté a bien grandi, certains disent trop! Une quinzaine de missionnaires oeuvrent dans deux diocèses : dans le diocèse de Dungu-Doruma, six pères travaillent à Doruma, en territoire azandé, où la langue véhiculaire est le lingala, tandis qu’une dizaine d’autres missionnaires oeuvrent dans le diocèse de Wamba aux trois missions de Bafwabaka, Pawa et Wamba, où la langue véhiculaire est le kiswahili. De De plus, deux autres missionnaires prêtent un ministère d’enseignement : le père Noè Cereda à l’université de Kinshasa et moi-même au grand séminaire de Murhesa, près de Bukavu! Fallait-il s’installer aussi à Bangadi, alors même que l’église n’était pas terminée? L’évêque de Dungu- Doruma, qui voit le nombre de ses missionnaires augustins diminuer rapidement, ne tarde pas à le leur proposer. Le père Enrico Casali, alors supérieur, hésite beaucoup. Qui ira à Bangadi? Déter- minante fut l’acceptation par le père Antonio de quitter Doruma et d’aller à Bangadi. Il confie à ses parents : « Je laisserai Doruma même si je m’y trouve très bien. Ce qui compte, ce n’est pas mon bien-être, mais le bien de la mission. » Le 28 novembre 1976, le père Antonio Barbero est intronisé nouveau curé de la paroisse Notre-Dame de la Consolation de Bangadi. Avec lui, on nomme les pères Tarcisio Crestani et Santino Zanchetta. Un peu plus tard, arrive le père Silvio Gullino. À Bangadi, les IMC ne sont pas seuls. Les six Frères de l’Instruction Chrétienne dirigent un collège et le centre catéchistique diocésain; deux soeurs Augustines s’occupent des malades, du petit hôpital et des dispensaires. Le nouveau curé propose à tous ces religieux et religieuses des rencontres hebdomadaires. Dans sa lettre du 1er janvier 1977 au supérieur général, le père Antonio explique : « Nous avons tout de suite remarqué que le climat était favorable à une collaboration des plus étroites et pour la rendre plus efficace nous avons tous accepté une rencontre hebdomadaire de prières et d’évaluation. Il arrive que ce ne soit pas possible pour une des communautés, parce qu’il n’y a pas d’essence, parce qu’il n’y a pas de moyens de transport ou pour une autre raison, et alors nous nous sommes entendus que nous nous réunirions tous chacun dans nos chapelles pour une heure d’adoration et d’échanges. » Une priorité dans cette nouvelle mission, c’est d’achever la nouvelle église. Ce temple, un des plus imposants que je connaisse dans cette région du Zaïre, sera terminé en quelques mois. La consécration de la nouvelle église aura lieu le 13 mars 1977. Voici ce que Antonio confie alors à son journal : « Au jour fixé, tôt le matin, les gens commencent à arriver. Certains groupes sont arrivés le soir précédent, ils venaient de la brousse, après 30 ou 50 kilomètres de route à pied; c’est toute une aventure de les héberger à la belle étoile. Au lever du soleil, la mission devient une fourmilière de gens en fête. Vers 9h 30, la procession se met en branle au milieu des branches de palmier et des jeux chorégraphiques; étant précédé du clergé, plus de 16 missionnaires, monseigneur Van Den Elzen, notre évêque, mitre sur la tête et bâton pastoral en main, ainsi que monseigneur Uma, évêque auxiliaire de Isiro, avancent solennellement. Après avoir frappé à la porte du temple les coup rituels et après de nombreuses aspersions, ils entrent dans l’église qui accueille dans son choeur, plus vaste qu’une vaste chapelle de brousse, toutes les autorités civiles et religieuses, pères, soeurs, évêques, frères. L’église, avec une capacité de plus de deux mille personnes, est pleine à craquer. Les autres restent dehors. La chorale exécute le chant de l’Ecce Sacerdos Magnus, rythmé, naturellement, par les tambours, les gudu-gudu et les xylophones. Seize jeunes filles, en grande parure, exécutent des danses, toujours accompagnées des mêmes instruments musicaux : un vrai moment davidique! Les gens bougent en rythmant les cadences de la danse et accompagnent les chants avec des gestes spontanés. À l’homélie, dans un profond silence, l’évêque trace l’histoire de la mission, il évoque les moments de la persécution et de l’épreuve. Il fait l’éloge de la ténacité des Augustins qui avaient voulu ériger un temple digne de la Vierge, surtout du père Nicolas, qui a vaincu, avec sa ténacité toute flamande, une myriade de difficultés. Il remercie les pères de la Consolata qui ont répondu à son invitation. En récompense, ils ont un temple dédié à leur Madone. C’est de bon augure pour eux! Il demande maintenant la collaboration de toute la communauté pour ériger l’Église des âmes : une entreprise beaucoup plus grande. » Certes, il ne suffit pas de construire des temples de pierres et de briques, Antonio le sait d’expérience et de coeur. Dès son arrivée, il réunit un conseil paroissial et commence diverses chorales. Le jour de la consécration de la nouvelle église, il écrit encore dans son journal : « Le travail de construction matérielle de l’église est terminé. Celui de construire l’Église du Christ ne finit jamais. Le Seigneur nous a envoyés servir cette Église locale en nous faisant précéder par Notre- Dame de la Consolata. Qu’elle continue à nous précéder dans l’annonce de l’Évangile à ces populations. » Dans un texte publié dans la revue Réveil missionnaire en 1977, voici comment le père Gullino décrit la visite à un des 65 villages de la mission : « Toujours accompagné par un catéchiste qui m’aide aussi pour la langue, nous arrivons vers 3 heures de l’après-midi à la chapelle, et là c’est l’accueil joyeux des chrétiens. Ils viennent à notre rencontre en chantant et dansant de joie. Après les avoir salués un à un, on se repose un peu et, en même temps, avec le catéchiste on prépare le programme dans ses détails. Pour le soir même, on organise une célébration pénitentielle en prenant soin de terminer avant la nuit, parce qu’il n’y aura pas de lumière. Après les confessions, c’est la soirée autour du feu avec tous les chrétiens. Chacun a apporté de la nourriture que l’on partage. Le menu n’est pas tellement compliqué et il ne varie pas d’une chapelle à l’autre : riz, pundu (sauce faite avec des feuilles de manioc), pain indigène et arachides grillées. Autres variantes : termites grillés, patates douces, racines de manioc bouillies et quelquefois, pour faire honneur au père, du poulet. Les gens n’ont pas besoin d’assiettes ou d’ustensiles, une feuille de banane et leurs mains suffisent[…] Le travail de la matinée suivante consiste dans la visite aux malades et ensuite la célébration de la messe à laquelle les chrétiens participent activement avec le chant et la danse. La


supérieur au Zaïre vacances en Italie


En 1978, le père Barbero prend des vacances en Italie. Un journaliste l’interview : « Pourquoi continues-tu à être missionnaire? - Parce que je continue de croire au devoir d’annoncer l’Évangile du Christ, mais sans prétendre changer l’Afrique en peu de temps. En 1977, le père Enrico Casali termine son mandat de responsable du groupe des Missionnaires de la Consolata au Zaïre pour aller travailler au nouveau grand séminaire de Bunia. C’est le père Antonio Barbero qui est nommé supérieur. Il est surpris, mais dans son dévouement, il accepte : « Le supérieur n’est pas un ornement, mais un engagement ». Il se rend compte qu’après cinq ans il est temps que la communauté s’organise. D’ailleurs la communauté est prête, elle en a parlé dans une rencontre régionale. Une priorité de cette organisation est que le supérieur soit à temps plein au service de la communauté et que pour ce service il ait une maison provinciale. Il était tout naturel que cette maison soit installée à Isiro. Dès le 4 juin 1977, le nouveau supérieur habite cette maison qui depuis quelque temps servait de procure pour les missions IMC des diocèses de Dungu et de Wamba. Il me suffit de lancer quelques semences qui grandiront quand Dieu le voudra! - Est-ce que la mission t’a changé? - Si quelqu’un a de la bonne volonté et le goût de se former, en Afrique il trouvera une vraie formation permanente. Il suffit de mettre en valeur les occasions, même les erreurs nous enseignent à nous améliorer. Ce que j’ai le plus appris en Afrique, c’est la patience; là j’ai grandi dans ma capacité d’écoute, de dialogue et d’accueil. J’ai appris à écouter, à perdre du temps avec eux, parce qu’ils désirent être écoutés comme des personnes. - Et toi, comme prêtre, quelle valeur leur as-tu apportée? - En-dehors de la foi, je ne crois pas leur avoir apporté d’autres valeurs. Comme prêtre, je veux me consacrer à l’annonce, à la catéchèse. J’ai beaucoup reçu des Africains : d’abord leur sens de Dieu. Cela peut sembler étrange que des païens nous donnent le sens de Dieu et pourtant c’est bien vrai. Chez eux, c’est inné; du matin au soir, de la naissance à la mort, tout est pénétré de Dieu. Ensuite, les Africains m’ont donné le sens de la personne : pour un Africain, le plus grand péché est d’insulter une personne. Ils m’ont aussi enseigné l’hospitalité. - Tu te présentes comme un missionnaire pratique. Qu’est-ce que tu veux dire? - J’avoue que j’ai plus de facilité à faire qu’à dire. En Afrique, je n’ai pas pu ne pas remarquer les conditions de sous-développement des populations et, alors, j’ai fait ce que j’ai pu pour les besoins les plus urgents : des maisonnettes, des écoles, des dispensaires, des chapelles, des puits, etc. Je ne suis un spécialiste en rien, mais j’ai fait ce que j’ai pu, un peu de tout. Ce que j’ai fait, je l’ai fait avec mes confrères, et toujours nous l’avons fait avec les Africains. Ils sont vraiment généreux. Le faire sans eux est une erreur. Si tu agis seul, on ne te respecte même pas. Mais je dois ajouter que tous ces travaux pratiques, j’ai pu les réaliser grâce à la collaboration des frères et de nombreux ouvriers locaux. La truelle n’est pas un outil sacerdotal; j’ai toujours attendu un frère pour faire ces travaux-là. » la maladie Le 20 juin 1979, le père Mario, entouré de quelques confrères et amis, avait célébré le vingt-cinquième anniversaire de son ordination sacerdotale dans la chapelle de la nouvelle procure à Isiro. Une photo avait été prise : dans ses mains, le père Mario avait deux calices! N’était-ce pas un symbole de ce qui l’attendait? Un des deux calices, n’était-ce pas son calice à lui, ses souffrances qu’avec le Christ il serait appelé à offrir pour le salut du monde? Les confrères remarquent que le père Antonio a de moins en moins bonne mine. Ils le lui disent et, finalement, en novembre 1979, de passage à Kinshasa, il passe quelques tests. Immédiatement les médecins soupçonnent le pire et lui recommandent de rentrer en Europe : « J’avais déjà dû retarder mon retour à Isiro pour passer ces examens et encore une fois me fallait-il changer mon programme. Je me devais d’obéir aux médecins et de prendre congé de mes confrères dont je suis le supérieur depuis si peu de temps. Les souffrances de ces minutes-là ne se disent pas, car les médecins ne m’avaient aucunement caché mon état. Ce furent des instants pleins d’angoisse, suivis presque tout de suite de beaucoup de paix et de sérénité. C’est le Seigneur qui m’en a donné la force. J’ai accepté Sa volonté comme ce qui pouvait arriver de mieux pour moi et pour mes confrères du Zaïre. L’heure de payer ma contribution personnelle à la douleur était arrivée. » Le 11 décembre, il arrive à Turin. Le diagnostic est confirmé : cancer de type A. Dix jours plus tard, Antonio est sur la table d’opération pour subir une intervention de trois heures et demie : on lui enlève les quatre cinquièmes de l’estomac. Les visites de parents, de confrères et d’amis se succèdent, mais celle qu’il apprécie le plus lui vient sous la forme d’un ruban magnétique : Antonina Lo Schiavo a enregistré son message et les voeux de tous les lépreux de Bamuzele… Toutes et tous lui demandent de revenir le plus vite possible parce que, disent-ils, il est leur père! La convalescence se déroule parfaitement bien. Le mini-estomac, comme l’appelle le père Antonio, réagit bien; il doit s’alimenter sept ou huit fois par jour, même de nuit, « comme les bébés », note-t-il dans son journal. Le 24 janvier, il peut déjà aller visiter ses amis de l’hôpital de Cottolengo; quelques jours plus tard, il se rend à San Lorenzo visiter ses parents. Fin mars 1980, de nouveaux examens confirment l’amélioration : « Le docteur m’assure que je pourrai rentrer bientôt, je ne désire rien d’autre. » Du 2 au 6 mai 1980, il suit dans tous ses détails la première visite de Jean-Paul II au Zaïre. Les Missionnaires de la Consolata y sont même à la première page des journaux : en effet le Saint-Père leur a remis, à Kinshasa, un grand tableau de Notre-Dame de Czestochowa pour le sanctuaire qu’ils veulent construire dans la capitale. Le père Antonio connaît bien ce projet du père Noè Cereda et, en tant que supérieur, il l’appuie. L’heure de retourner en Afrique centrale n’at- elle pas sonnée? Le 10 juin 1980, il rentre à Kinshasa. la vie de supérieur Après avoir examiné le projet de sanctuaire avec le père Cereda, Antonio se rend à Isiro. Dans son journal, il note combien il se sent enfin rentré à la maison, chez lui! Tout de suite il se met au travail. Il convoque une réunion de son conseil et une assemblée générale de tous les missionnaires de la Consolata oeuvrant au Zaïre (aujourd’hui République démocratique du Congo). Le 20 juin, fête de Notre-Dame de la Consolata, il préside l’Eucharistie qui réunit 17 confrères. Dans son homélie, le supérieur remercie Notre- Dame d’être de retour en mission. Le dernier soir de l’assemblée, il est vraiment fatigué. Son ami et médecin musulman, le docteur Traore, l’invite à prendre quelques jours de repos. Antonio ralentit ses activités pendant quelques jours, mais le zèle du supérieur reprend le dessus. Il part visiter les missions du Nord, Bangadi et Doruma; il se rend à Bamuzele rencontrer ses amis lépreux. De retour à la maison provinciale d’Isiro, il met au propre les premiers exemplaires du Directoire de la délégation du Zaïre et convoque de nouveau tous les IMC à la retraite annuelle et à une première réunion pour préparer le Chapitre général de 1981 : tous les six ans, l’ensemble des Missionnaires de la Consolata du monde entier fait une grande rencontre de tous les supérieurs et de représentants de toutes les circonscriptions pour évaluer la vie et l’oeuvre des six années précédentes, programmer les six années à venir et élire la nouvelle direction générale. En tant que supérieur de la province IMC du Zaïre, le père Antonio participera de droit à ce Chapitre général qui doit se tenir à Rome à partir du 20 juin 1981. Ces mois sont aussi ceux d’une épidémie de choléra. Le gouvernement de Mobutu a beaucoup promis, mais ce sont surtout les missions qui agissent. Le père Antonio encourage le travail de tous ses missionnaires et participe lui-même à la coordination des efforts de tous. la dernière retraite Avec tous ses confrères, le père Antonio Barbero est à Bafwabaka du 15 au 30 août 1980, d’abord pour la retraite et ensuite pour la rencontre annuelle de la province IMC du Zaïre, c’est- à-dire de tous les missionnaires de la Consolata oeuvrant dans ce pays. Ce sera la dernière retraite de sa vie. Ses notes révèlent une maturité spirituelle exceptionnelle : « Le but de mon existence est de porter le salut et l’espérance. La route, c’est la croix,l’immolation. C’est le Christ que je dois apporter aux autres, pas ma propre personne. Croire en Lui implique qu’on n’a pas peur de la mort. Le courage d’être saint est le pouvoir de Dieu. La confiance en Dieu conduit à l’amour et à la tendresse envers les confrères, une authentique amitié[…] Avant d’agir, il faut prier et contempler. Je dois encore apprendre à trouver le temps de contempler la nature pour me sentir envahir par la présence de Dieu. Si mon cœur est plein du Christ, il n’aura pas besoin de substitut![…] Me convertir au provisoire et à l’abandon à Dieu! Être disposé à porter la croix, même à mourir. La croix? Gloire de Dieu, manifestation de sa présence et de son amour! Dieu nous aime et nous éprouve. Dans l’épreuve, Seigneur, viens à mon aide! Oui, la prière sert à me remplir de Dieu pour que je devienne capable de le donner aux autres. Voici ce qui est important : le service, le ministère, l’annonce faite de témoignage de vie plus que de paroles! Je dois être en recherche constante de Dieu. Chercher son visage dans le visage de mes frères. » la préparation du chapitre général Le 8 septembre 1980, le père Antonio Barbero est à Nairobi, la capitale du Kenya, où la direction générale des Missionnaires de la Consolata a convoqué les supérieurs de toutes les provinces d’Afrique pour mieux préparer le prochain Chapitre général de 1981. Ils sont seize à revoir le projet de nouvelles constitutions et à débattre d’un programme missionnaire pour l’Afrique. À Nairobi, Antonio rencontre son frère Mario et passe des examens; les résultats sont très satisfaisants. Il revient donc bien encouragé au Zaïre. À Kinshasa, il fait avancer le dossier du sanctuaire marial; celui-ci sera construit au Mont Ngafula, à la sortie sud-ouest de la capitale, sur la route vers l’océan Atlantique et le port de Matadi. C’est le père Tarcisio Crestani qui en sera responsable. Il rencontre le nonce apostolique. Puis c’est l’avion vers Kisangani, mais là il reste bloqué : plus de vol vers Isiro. Finalement, il décide de rentrer à Isiro par route, avec monseigneur Van Den Elzen, lui aussi immobilisé à Kisangani. Ils arrivent à Isiro à 9h 15 le 11 octobre, après un voyage exténuant. Il lui faudra des semaines pour récupérer… Les premières semaines de 1981 le voient en train de travailler avec le frère Romolo Gay pour modifier la maison d’Isiro afin de la rendre plus accueillante à tous les confrères et visiteurs. Puis, pour mieux préparer le Chapitre général et avant de partir pour Rome, il décide de visiter toutes les missions IMC et de saluer tous les confrères. Il commence par les pères Enrico Casali et Alberto Trevisiol qui sont au grand séminaire de Bunia. Il continue avec les missions de Bangadi et de Doruma et ensuite avec les trois missions du diocèse de Wamba. En route vers l’Europe, il s’arrête à Kinshasa où les travaux pour le nouveau sanctuaire progresse rapidement. Partout il rencontre chacun des confrères et échange sur les projets du Chapitre général. Le 7 mai 1981, le père Antonio Barbero ne sait pas qu’il quitte à tout jamais ce Zaïre qu’il a tant aimé. Il n’y reviendra pas. Là, sa mission est terminée. Les examens faits à Nairobi l’avaient rassuré, même si certaines douleurs et une fatigue persistante pouvaient l’inquiéter; n’était-ce pas dû tout simplement à ce miniestomac qui, évidemment, ne peut pas avoir la même efficacité qu’auparavant? À peine arrivé à Turin, le père Antonio passe de nouveaux tests.


Cette fois-ci, les résultats sont alarmants : le cancer a repris du terrain. Les spécialistes conseillent l’intervention immédiate. Elle aura lieu le 28 mai à l’hôpital Saint-Jean de Turin. Cette fois-ci, la dimension réduite de l’estomac laisse peu de place au bistouri! Il faut passer par la chimiothérapie. De sa chambre à l’infirmerie de la maison mère des Missionnaires de la Consolata à Turin, Antonio ne cesse d’oeuvrer pour sa la deuxième opération mission. En pyjama, il descend dans la cour intérieure et supervise l’envoi de matériel au Zaïre : une Land Rover, des tonnes de matériel électrique, des amplificateurs… Dès qu’il se sent un peu plus fort, il se rend à Padoue pour rencontrer les responsables de CUAMM : cette ONG envoie des médecins en Afrique. Il passe de nombreuses heures avec Maria Stocco, une infirmière qui aimerait aller en Afrique comme laïque missionnaire. Son vice-supérieur, le père Carluccio Giannini, arrive en Italie pour participer au Chapitre général. Les deux se rencontrent et accordent leur action et leurs interventions. le 20 juin 1981 C’est le jour anniversaire de son ordination presbytérale. Il préside l’Eucharistie à l’infirmerie et, dans son homélie, il demande au Seigneur de lui accorder encore beaucoup d’années pour travailler à sa moisson. Ce jour-là s’ouvre à Rome le septième Chapitre général des Missionnaires de la Consolata. Antonio en est membre de droit, mais son état de santé ne lui permet pas d’être présent à l’ouverture. Il envoie une lettre : « Sachez que je suis présent au milieu de vous en esprit, sinon de corps! Je vis ces moments de grâce en union avec vous, je suis l’ordre du jour et les thèmes en discussion surtout dans la prière et le sacrifice. Je vais essayer, autant que possible, de vous apporter ma contribution même par écrit, selon les inspirations de l’Esprit et les forces qui me resteront. » Après quelques semaines, il va mieux et concentre toutes ses forces pour aller faire son devoir; il se rend à Rome pour participer aux travaux du Chapitre. la messe continue… En juillet, il participe à une rencontre des six prêtres originaires de son village de San Lorenzo. Ses deux frères, IMC comme lui, Mario et Tommasino, sont là. Antonio est le plus âgé des six! Le soir, c’est dans la joie qu’il se joint aux grandes agapes familiales qui rassemblent toute la famille Barbero autour des parents Pietro et Maria. Dans son journal, il écrit : « La mort est l’événement le plus certain de ma vie. Certes j’accepte pleinement la volonté de Dieu, néanmoins je ne cesse de penser à mon avenir. Je pense plus souvent aux missions qu’à la mort. De toute manière ni la vie ni la mort ne nous sépareront du Christ! » En octobre, des amis l’incitent à aller à Lourdes : « J’ai été une semaine dans la terre de Notre-Dame. Ce fut plus qu’une retraite. Je n’ai pas demandé de miracle pour moi, mais seulement de savoir faire la volonté de Dieu, à n’importe quel prix. » Il envoie une lettre aux confrères du Zaïre : « Si c’est la volonté du Seigneur, je retournerai avec vous pour la conférence provinciale et pour transmettre les rênes à mon successeur. » Mais en septembre 1981, alors que la conférence se réunit, Antonio n’est pas là. Il n’est pas là non plus pour l’entrée en fonction du nouveau supérieur des IMC au Zaïre, le père Carluccio Giannini. Il lui envoie un mot pour le féliciter de son élection et lui faire ses meilleurs voeux. Lui se dit prêt « à donner sa vie, si le Seigneur le veut, pour que la mission continue à avancer ». l’immolation Désormais son frère Tommasino est à son chevet. La maladie progresse irrémédiablement. Le père Antonio est de plus en plus faible, de plus en plus souffrant. Il écrit une dernière lettre à ses amis et bienfaiteurs : « Je connais bien ma situation. J’offre toute mon existence et, si c’est utile, toute ma vie. Mon mini-estomac me permet encore de fournir au corps les énergies pour survivre et aussi l’audace et le désir de retourner au Zaïre[…] Je ne fais pas de projets à long terme. Mon avenir est dans les mains de Dieu. Je cherche à vivre le moment présent avec un sens de reconnaissance et d’abandon à Celui qui tisse l’histoire de chaque homme selon son projet d’amour[…] J’exprime ma gratitude à tous ceux qui me sont restés particulièrement proches durant cette période d’épreuve. Votre présence et votre prière ont été un grand réconfort et m’ont fait goûter encore plus la valeur de l’amitié[…] Je vous bénis et embrasse avec affection, Père Antonio. » Le 3 janvier 1982, il apprend que son autre frère, Mario, a été élu supérieur des Missionnaires de la Consolata de la province IMC du Kenya. Il le félicite tout de suite et le 29 janvier, ses forces étant vraiment diminuées, il demande à Tommasino d’écrire de nouveau : « Antonio me demande de te saluer; il ne veut pas que tu te préoccupes de lui, il se sent près de toi dans la vie comme dans la mort. » La lettre a été écrite par Tommasino, mais comme le faisait saint Paul dans ses lettres, Antonio veut y ajouter quelque chose de sa propre main : « 29 janvier 1981, 80e anniversaire de fondation des Missionnaires de la Consolata, j’y ai passé 41 années de ma vie, merci, Seigneur! » Ce sont les derniers mots qu’il a écrits de sa main. Les périodes d’inconscience et de coma sont de plus en plus fréquentes. Le 6 février, Mario arrive du Kenya. C’est Mario qui raconte : « Antonio fit signe de me reconnaître, mais je ne pus dire aucun mot, tant j’avais la gorge serrée en le voyant ainsi. Peu après, avec le père Masino, nous avons concélébré près de son lit. Il suivait tout et tous. Il est vif, attentif, surtout à la Consécration. À la communion, il a pris avec effort un tout petit morceau d’hostie et une goutte de vin consacré. Avec Masino, on a concélébré encore le jour suivant dans sa chambre, mais on ne lui a plus donné la communion. » Antonio Barbero s’éteint le 9 février 1982. Il a 54 ans. Le lendemain, le père Giuseppe Inverardi, supérieur général, préside les funérailles dans la chapelle où, presque trente ans plus tôt, le père Antonio avait été ordonné prêtre. À la fin de la célébration, le père Mario prend la parole et proclame : « Tout est grâce. » Le 11 février, aurait été l’anniversaire de naissance du père Antonio Barbero. De nouvelles funérailles se déroulent à San Lorenzo, présidées par l’évêque de Fossano et en présence des parents du défunt. Après la célébration, son corps est placé dans la tombe de la famille Barbero. C’est là qu’il attend la pleine manifestation de la vie. Au cours des funérailles à Turin, on avait chanté : « Je crois, je ressusciterai et je verrai le Sauveur de mes propres yeux. » messe terminée, avec l’aide du catéchiste, on fait l’appel des chrétiens et des catéchumènes. De cette façon, on peut voir la situation de chacun. On discute des problèmes de la chapelle, des programmes, des projets à venir. Une fois terminés l’appel des chrétiens et la réunion des conseillers de la chapelle, on recharge les bagages sur la voiture, on salue les gens et on repart pour la chapelle suivante. »

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